Les mutations de la sécurité internationale avec notamment la mise en avant du concept de sécurité humaine informent sur une multiplicité des territoires de la sécurité et une exigence d’analyses plus finement structurées qui rendent compte non seulement de cette élasticité du concept, mais aussi du rapport qu’il peut avoir à d’autres mutations profondes du monde contemporain. Au rang de ces autres mutations profondes, se classe en bonne place la question du numérique dont l’une des principales conséquences est la transformation digitale. La question de savoir comment croiser et comprendre deux ordres de mutations contemporaines à savoir la sécurité humaine et la transformation digitale révèle un intérêt particulier. Tout d’abord, si leur mise en dialogue ne semble pas évidente, l’entrée par les conséquences permet de saisir la sécurité humaine comme une valeur essentielle que les dérives de la transformation digitale peuvent altérer. Si on prend en compte le rapport aux opportunités, la transformation digitale peut être en retour une opportunité de diffusion mais aussi de développement de la sécurité humaine.
Selon la définition classique d’Arnold Wolfers, « la sécurité, dans un sens objectif, mesure l’absence de menaces sur les valeurs centrales ou, dans un sens subjectif, l’absence de peur que ces valeurs centrales ne fassent l’objet d’une attaque »[1]. Pendant longtemps, c’est l’État qui a été considéré comme l’unité de référence dont les valeurs centrales devaient être protégées. Cependant, dès la fin de guerre froide, des auteurs ont remis en cause, la vision de la sécurité centrée sur l’État, la défense de la souveraineté et les enjeux militaires. Dans un article publié en 1991, Ken Booth affirmait que la plupart des êtres humaines sont « davantage menacés par les politiques et insuffisances de leurs propres gouvernements que par les ambitions napoléoniennes de leurs voisins »[2]. Dans un contexte international marqué par l’augmentation des guerres civiles plutôt qu’interétatiques, l’ONU a également mené une réflexion sur la mise en place de mécanismes visant à protéger les individus. En 1994, un rapport du Programme des Nations unies pour le développement humain (PNUD) observait dans ce sens : « Le concept de sécurité fait depuis trop longtemps l’objet d’une interprétation restrictive, le cantonnant à la sécurité du territoire face aux agressions extérieures, à la protection d’intérêts nationaux face à l’étranger, ou à la sécurité de la planète face à la menace d’un holocauste nucléaire. Il s’applique davantage aux États-nations qu’aux personne »[3]. L’invention du concept de sécurité humaine par le PNUD a permis de porter une double rupture par rapport aux visions classiques de la sécurité. Premièrement, la sécurité humaine vise à replacer les individus comme sujets principaux de la sécurité plutôt que les États. Deuxièmement, elle rompt avec une vision de la sécurité centrée exclusivement sur les enjeux militaires. En effet, pour le PNUD, la sécurité humaine relève de sept composantes : la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité environnementale, la sécurité personnelle, la sécurité communautaire et enfin la sécurité politique. Cette vision élargie de la sécurité a fait l’objet d’une appropriation par certaines organisations internationales, ONG et des diplomaties étatiques.
On peut donc comprendre que la sécurité humaine représente une préoccupation essentielle et prioritaire pour les États, y compris le Vietnam. Considérer l’homme et sa sécurité comme priorité permet d’envisager la sécurité humaine sous le prisme des différentes menaces qui peuvent compromettre son existence. Le lien fait avec le numérique plus haut s’en trouve donc justifié. Souvent vanté pour sa contribution au développement, le numérique de par ses avantages occulte souvent les conséquences négatives qu’il peut engendrer dans la société. Ce rapport complexe du numérique à la société permet de voir que si la sécurité humaine constitue non seulement une valeur centrale mais surtout une condition vitale pour la stabilité, la prospérité et le développement des nations et des peuples. Son inscription dans la mondialisation et les transformations qui en résultent, notamment la transformation digitale, méritent d’être analysé.
La conférence sur « transformation digitale et sécurité humaine » permettra tout d’abord de croiser les regards sur ce lien complexe entre digital et sécurité humaine. Elle permettra ensuite d'échanger des pratiques et de partager les expériences. Des scientifiques, des experts, des rechercheurs, praticiens de domaines divers (relations internationales, sécurité, management, informatique etc.) sont invités à envoyer leur contribution pour cette conférence.
La conférence internationale intitulée “Transformation digitale et sécurité humaine” fait partie de la série d'événements du Forum international Franconomics-2023 dans le but de :
APPEL À CONTRIBUTION
Calendrier prévisionnel :
Les propositions devront contenir un titre, un résumé de 500 mots maximum avec 5 mots-clés, une bibliographie indicative ainsi qu’une courte biographie (5 lignes).
Contact : anhthu.dao@vnu.edu.vn; cc brain.ifi@vnu.edu.vn
Comité scientifique :
[1] Arnold Wolfers, « National Security as an Ambiguous Symbol », dans Arnold Wolfers, Discord and Collaboration, Baltimore (Md.), The Johns Hopkins University Press, 1962, p. 147-165
[2] Ken Booth, « Security and Emancipation », Review of International Studies, 17 (4), octobre 1991, p. 313-326
[3] PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1994, Paris, Economica, 1994, disponible sur : https://hdr.undp.org/system/files/documents//hdr1994frcompletnostatspdf.pdf
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